VITA BREVIS ARS LONGA

Pour Monique Chevremont, en dehors d’une attirance inexplicable pour la figure humaine, l’activité créatrice en peinture ou en sculpture est devenue rapidement une activité de résistance. Suivre le mouvement et se positionner dans le courant d’avant-garde alors que l’on constate que le meilleur du passé est menacé de n’être pas transmis, cette constatation a rapidement ouvert une voie à laquelle elle reste fidèle. Celle d’une résistance à la facilité de se laisser porter par un courant qui lui est étranger, celle de l’acceptation d’une place minoritaire dans le grand bazar culturel actuel.


Se remettre chaque jour au travail de création c’est aussi se remettre quotidiennement en question. Bien sûr, on a trouvé un style mais il faut se méfier de tout système et savoir renouveler sa pensée devant le travail en cours. Dans cette opération, la philosophie peut jouer un rôle en tant qu’elle rend présente la tradition et permet la découverte de soi-même. Le philosophe et l’artiste ont en commun de vouloir trouver une sortie du labyrinthe dans lequel leur activité les a menés. Et c’est l’affaire de toute une vie.


La parenté entre l’art et la philosophie a joué un rôle prépondérant dans la vie et les choix de Monique Chevremont. Dès sa période gymnasiale parisienne, la découverte des mythes grecs fut déterminante, prenant la forme d’une source souterraine et qui a  resurgi bien des années plus tard.


Expliquer la voie qu’a empruntée un artiste est une entreprise difficile car toutes nos vies doivent supporter un certain degré de détermination et nos souhaits les plus chers butent souvent contre une réalité implacable. Il reste ce que nous permet le hasard (qui a quelquefois du talent ...) et notre propre volonté, notre propre persévérance. Être artiste signifie toujours persévérer.


Quand on a eu la chance d’étudier la sculpture avec un professeur comme Alexandre Meylan aux Beaux-Arts de Genève, on se sent investi du devoir de faire fructifier les connaissances acquises. C’est-à-dire, de revivifier le passé en employant les techniques anciennes qui, peu à peu, disparaissent. Ces techniques demandent un savoir-faire, une grande précision dans l’observation lorsqu’il s’agit de rendre la réalité ou l’idée personnelle de cette réalité. Cela signifie du temps, de la patience et de la persévérance, à contre-courant de l’esprit artistique actuel.


Cela signifie également se convaincre quotidiennement de la valeur du travail artistique afin que ne s’éteigne pas la flamme intérieure qui brûle en nous. Pour cela, un public engagé et fidèle nous est absolument indispensable. Le succès ne survient pas automatiquement avec un bon travail et les voeux exprimés par les visiteurs ne suffisent pas à faire vivre les artistes. 


La fidélité à la figure humaine, l’atmosphère des anciennes fresques, l’érosion du temps prouvent son inspiration classique. Mais on ne peut jamais se soustraire à la modernité. On peut la trouver dans la technique picturale qu’elle a développée au fil des années et des expériences. Il ne s’agit plus de s’en tenir aux règles des maîtres anciens mais de laisser cours à l’imagination et de trouver de nouvelles solutions à chaque étape de la construction d’un tableau. On pourra trouver dans son travail des constantes qui doivent parvenir à réunir la légèreté et la profondeur: Aucune déformation des figures mais plutôt un dessin acquis par les longues séances de travail avec le modèle vivant, des nuances de couleurs obtenues par de fines et nombreuses couches afin de faire vibrer la surface de la toile et d’y imprimer l’érosion du temps qui passe. 


Dans le travail plastique, les anciennes techniques n’ont que très peu changé : modeler avec une terre fine, fabriquer une forme négative afin de construire le modèle original positif. La connaissance du sujet, des matériaux et de leurs possibilités sont une condition indispensable à la réalisation de compositions libres ou de bustes de commande.